Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


jeudi 28 novembre 2013

Suétone : historien ou commère ?


Parcourant, l'été dernier, les sentes escarpées de Capri, je pensais, bien sûr à l'exilé de Peyreffite, mais aussi à la "Vie des douze Césars" de Suétone. Tout semblait se confondre ici, sous l'implacable soleil d'août. Passant devant la petite maison où résida Marguerite Yourcenar, il me revint à l'esprit que Suétone (75 à +/- 160 après JC) fut le secrétaire d'Hadrien. Dans ma jeunesse, j'avais lu l'ouvrage qui lui vaut la postérité, où il procède à une revue de détails de 12 potentats : Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron, Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus et Domitien.

Il en retrace l’œuvre, mais aussi les débauches, dans un style qui se veut rigoureux, que d'aucuns s'accordent à trouver froid et sans saveur, à l'opposé de celui de Tacite, lequel est considéré aujourd'hui comme le plus grand historien latin, beaucoup plus crédible, et (osons !) moins "people".
A 18 ans, toutefois, cherchant matière, dans l'histoire et la littérature, à légitimer mon identité, je trouvai dans ces écrits quelques sources de félicité.
Ainsi, les turpitudes de Tibère dans l'île de Capri ne manquèrent pas de satisfaire une curiosité quelque peu malsaine de garçon homo-sensuel.
Lisez plutôt :
Buste de Tibère, Musée du Louvre, Paris
"Dans sa retraite de Caprée (Capri, ndr), il avait imaginé des chambres garnies de bancs pour des obscénités secrètes.
C'est là que des groupes de jeunes filles et de jeunes libertins, ramassés de tous côtés, et les inventeurs de voluptés monstrueuses qu'il appelait "spintries", formaient entre eux une triple chaîne, et se prostituaient ainsi en sa présence pour ranimer par ce spectacle ses désirs éteints."  Ou encore : "On dit qu'un jour en offrant un sacrifice, épris tout à coup de la beauté de celui qui lui présentait l'encens, il attendit à peine que la cérémonie fût achevée pour l'entraîner à part et lui faire violence, ainsi qu'à son frère, joueur de flûte. On ajoute que, bientôt après, il leur fit casser les jambes parce qu'ils se reprochaient mutuellement cette infâme complaisance."
Car Tibère, selon notre chroniqueur, n'était pas à une atrocité près, dont la mort donna lieu à moult réjouissances dans le peuple de Rome.


La Villa Jovis à Capri, lieu de résidence de Tibère (travaux à prévoir) - Via sorrentoweb



2 commentaires:

The Narrow Corner a dit…

Je dois à la lecture de Suétone bien des émois et sueurs juvéniles...

Maxence 24 a dit…

J'adore les traits d'humour glissés très discrétement de ci de là dans vos posts.